Un impressionnant musée

Aujourd’hui, lorsqu’on pénètre dans l’atelier musée de l’imprimerie, c’est un vrai choc visuel, une heureuse surprise qui nous attend. En effet, derrière la relative austérité de l’enveloppe gris anthracite de cet ancien bâtiment industriel, dont l’histoire n’est pas tout à fait étrangère  à l’imprimerie (fabrication de papiers carbone puis d’autocopiants), on découvre une immense nef baignée de couleurs et de lumières, avec une profusion d’images fixes ou animées, de machines sculpturales, dont certaines parfois en action, bordées de petits théâtres comme autant d’arrêts sur images autour d’un écran de cinéma géant…

L’Atelier-Musée de l’Imprimerie, après une longue période de gestation, nécessaire autant à l’affinement de la réflexion qu’à l’enrichissement des collections, et un temps obligé de conception, de réalisation et de fabrication, est aujourd’hui en voie d’achèvement.Il reste à mettre au point l’ensemble des questions d’accès et d’accessibilité, de signalétique et de sécurité, et bien sûr de mise en place, de formation des équipes de médiation et de régie… essentiellement mobilisées jusqu’alors pour la mise en œuvre et l’intégration du musée.C’est pourquoi il a été décidé, après mûre réflexion, d’ouvrir le musée à la rentrée de septembre 2018, en se donnant un maximum de garanties opérationnelles.Commençons par le début, en empruntant le grand escalier dominé par un imposant totem aux couleurs de base de l’imprimerie : le cyan, le magenta, le jaune et bien sûr le noir…

  • Visiter l’Atelier-Musée de l’Imprimerie, c’est plonger dans plus de 600 ans d’histoire. D’une histoire pas seulement technique et industrielle puisque, à partir de Gutenberg – réalisateur de la Bible à 42 lignes – l’imprimerie allait révolutionner la circulation des idées et la diffusion des connaissances. De la Révolution des Lumières à la Révolution industrielle, jusqu’à la Révolution numérique, elle a souvent joué les premiers rôles, faisant de la presse et du livre des médias tout-puissants… et pour longtemps encore incontournables.
  • Visiter l’Atelier-Musée de l’Imprimerie, c’est aussi pouvoir s’arrêter sur des histoires singulières. Celle de Balzac se faisant « homme de lettres de plomb », c’est-à-dire imprimeur, avant d’être obligé deux ans plus tard de redevenir un « forçat de la plume » pour rembourser les dettes contractées durant sa courte période industrielle. Les quelque 90 ouvrages de la Comédie humaine n’y suffiront pas…

L’histoire aussi de Maurice Gleize et Henri Chapnick, ces deux imprimeurs résistants qui, durant la Seconde Guerre mondiale ont, au péril de leur vie, défendu l’idée d’une France libre et libérée.Celle de l’allemand Aloys Senefelder, inventant en 1756 – par hasard dit-on – le principe de la lithographie, que beaucoup d’artistes parmi les plus célèbres feront leur : Toulouse-Lautrec, Picasso, Braque, Miró…Celle d’Isaac Newton qui, entre autres découvertes, explicitera la décomposition du spectre de la lumière blanche en 6 couleurs : le rouge, le orange, le jaune, le vert, le bleu et le violet, ouvrant la voie à la quadrichromie, procédé d’imprimerie permettant de reproduire toute la gamme des couleurs à partir de trois couleurs élémentaires – cyan, magenta, jaune – plus le noir.Celle de cet authentique banc de reproduction photographique, venu tout droit du film Le Cave se rebiffe (1961 – réalisation Gilles Grangier – dialogues de Michel Audiard), dans lequel Maurice Biraud (Le Cave), graveur génial, se trouve entraîné par une bande d’aigrefins emmenés par Jean Gabin (Le Dab) et Bernard Blier, dans une affaire de « fausse mornifle » ou, dit autrement, de fausse monnaie…Celle de René Higonnet et Louis Moyroud, deux ingénieurs français qui ont, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, inventé et breveté la lumitype, première machine à composer, opérant une synthèse entre techniques photographiques et électroniques.

  • Visiter l’Atelier-Musée de l’Imprimerie, c’est s’interroger sur la place du livre dans notre histoire récente, où la lecture fut une conquête, un gage d’émancipation ; c’est remettre sur la table ces livres qui ont éclairé et jalonné les XIXe et XXe siècles. Best-sellers d’un jour ou de toujours, livres religieux, livres scolaires, livres d’histoire, livres policiers, livres de poésie ou de théâtre, livres de jeunesse, livres de prix, livres couronnés, atlas et dictionnaires, catalogues, petits livres illustrés et albums de bandes dessinées…
  • Visiter l’Atelier-Musée de l’Imprimerie, c’est redécouvrir la place prépondérante de la presse dans l’histoire de la République : n’oublions pas que la presse française fut la première dans le monde durant toute la fin du XIXe siècle. Une grande histoire longuement évoquée que celle de cette presse, qui va des almanachs aux placards, des gazettes aux journaux populaires, à la presse illustrée, à la presse de l’âge tendre et des copains, à la presse à scandale, à la presse du cœur, à la presse magazine, à la presse quotidienne, nationale et régionale…
  • Visiter l’Atelier-Musée de l’Imprimerie, c’est aussi se confronter à cette grande fresque colorée et survitaminée qui nous met en face d’une évidence : l’imprimé est partout, qu’il soit papier, carton, plastique, cellophane, verre, bois, textile… aucun domaine de notre vie n’échappe à l’imprimerie. Notre monde ne serait-il pas devenu une gigantesque graphosphère ?
  • Visiter l’Atelier-Musée de l’Imprimerie, c’est s’arrêter dans une série d’ateliers, où joignant les gestes aux textes, il est donné aux groupes de visiteurs la possibilité de fabriquer du papier… de lever la feuille, de procéder à l’égouttage, ensuite au couchage, au pressage, au séchage, au calandrage… de faire flotter la couleur sur l’eau dans l’atelier de marbrure du papier… de calligraphier, c’est-à-dire de pratiquer l’art de bien écrire avec des plumes d’oie biseautées, des calames de roseaux ou de bambous, des plumes métalliques… de composer un texte et de l’imprimer, de plier une feuille géante en cahiers prêts à être reliés.

Le sujet est immense, le musée l’est aussi, donnant au visiteur l’envie d’inventer sa visite. Les sujets sont nombreux, les propositions muséographiques le sont aussi. Ici on peut découvrir les premières écritures (4 000 ans avant Jésus-Christ) en jouant avec des cartes interactives, là on peut chercher les coquilles d’un texte ou choisir une traduction improbable en chinois, en bété, en cyrillique, en braille, en arabe, et même en sténo… là encore se laisser surprendre par l’histoire des polices de caractères (Garamond, Helvetica, Bodoni, Times, Gotham, Mistral…) et en découvrir les applications multiples dans notre quotidien…  là entendre et voir Marguerite Duras dire son goût des mots, un peu plus loin entendre le discours d’Albert Camus lors de la remise de son prix Nobel, ou encore examiner de près le fonctionnement de cette machine monotype fondant les lettres une à une.

Et en effet, comment ne pas parler des machines d’imprimerie ?

Elles sont près de 150, immense armée pacifique engagée sur le front de la connaissance ou de l’information. La collection est unique, sa mise en scène également, qui permet de découvrir, depuis  la machine en bois de Gutenberg, les machines en fer telles qu’inventées par Lord Stanhope, d’assister au début de la mécanisation (les formes imprimantes s’agrandissent, les cylindres s’implantent…), puis à son essor (les machines impriment enfin recto-verso…), de faire un détour par les machines utilisées dans les petites imprimeries de quartier (ou de villages), avec leurs noms évocateurs : la Productive, la Marathon, la Pédalette… de comprendre comment la surface imprimante s’adaptant au cylindre (le clichage), l’on passe aux rotatives (et comment ne pas être impressionné par cette machine rotative Goss de 45 tonnes qui a imprimé Le journal d’Edimbourg jusqu’au seuil des années 2000 ?), puis sur le modèle de l’impression lithographique comment on en arrive à l’offset (impression par transfert), puis à la photocomposition ouvrant peu à peu la voie à ce qu’on va appeller la révolution numérique. L’inventaire technique ne serait pas complet si l’on ne revenait sur un certain nombre de techniques d’aujourd’hui : l’héliogravure (impression en creux sur différents supports tels que plastiques, cellophanes, cartons ondulés…), ou la flexographie (impression en relief sur cartons et boîtes alimentaires ou pharmaceutiques…), et l’on en oublie volontairement… A chacun de les découvrir…Mais ce que l’on se doit aussi d’évoquer, ce sont les 250 m2 de la boutique, avec ses livres de références, ses livres qui distraient et illustrent tous les sujets abordés dans le musée y compris pour les enfants. Sans oublier sa carterie exceptionnelle, ses posters originaux, ses lithographies d’art, ses produits d’édition étonnants et jamais vus, ses jeux et ses jouets, ses objets souvenirs, ses gadgets… Et tout cela pour tous les goûts et toutes les bourses.Et puis, pour ceux qui souhaiteraient imprimer leur propre livre pour quelques euros en un ou plusieurs exemplaires, l’Expresso Book Machine (système automatisé d’impression et de brochage à la demande) est là, qui peut en un temps record, rendre ce service exclusif (de 40 à 800 pages), à toutes celles et ceux qui viendront avec un fichier PDF, sur une clef USB par exemple. Il sera également possible d’obtenir sur place des tirages photographiques grand format. A chacun son poster personnalisé…

Ce que l’on aurait garde d’oublier, en revanche, c’est qu’ici s’inventent :

  • un musée vivant avec ses expositions temporaires (thématiques sur des sujets d’histoire culturelle, d’histoires techniques ou d’histoires artistiques) et avec sa programmation événementielle (rencontres, débats, conférences, salons, fêtes…) ;
  • un atelier ouvert aux artistes et aux auteurs parfois en résidence, mais aussi aux chercheurs ou étudiants souhaitant exploiter la documentation accumulée.

Un musée actif, inscrit sur son territoire, ne saurait omettre non plus les partenariats parfois déjà tissés mais à étendre encore avec les autres institutions culturelles et musées voisins dont les thématiques se rejoignent et parfois se recouvrent, tout comme avec les opérateurs et acteurs touristiques.Cet atelier-musée à feuilleter autant qu’à parcourir, muni ou non d’un audioguide qui donne accès à une série de films (plus de 50) et de commentaires (plus de 30), doit incontestablement beaucoup à Chantal et Jean-Paul Maury qui ont apporté leur temps, leur énergie et leurs savoirs autant que leur soutien financier pour conduire et faire aboutir ce projet.Un projet qui doit également beaucoup à l’association Artegraf, qui regroupe une cinquantaine de bénévoles, pour la plupart anciens de l’imprimerie et du livre, et qui sont à l’initiative du musée qu’ils continuent à accompagner.Il doit enfin à tous ceux qui ont apporté leur aide en rejoignant le projet et en participant à son portage et à son financement : le ministère de la Culture et la Direction Régionale des Affaires Culturelles (DRAC), le Fonds National d’Aménagement et de Développement du Territoire (FNADT), la Région Centre-Val de Loire, le département du Loiret, le Pays Beauce Gâtinais en Pithiverais, la Communauté de Communes du Pithiverais-Gâtinais et la commune du Malesherbois.Fort de tous ces soutiens, l’AMI est aujourd’hui un équipement culturel public parce que conçu et réalisé pour s’adresser à tous les publics : scolaires, familles, curieux d’un jour, visiteurs avertis et fidèles, touristes, professionnels de l’imprimerie, de la presse et du livre, étudiants, chercheurs, artistes en résidence, groupes divers…L’expérience, l’interactivité, l’activité, la pratique, la quête sensible du sens, l’appétit de récit, tout est là qui appelle le plaisir de découvrir, de jouer, d’expérimenter et de comprendre.L’Atelier-Musée de l’Imprimerie est aujourd’hui une superbe, étonnante et spectaculaire réalisation qui fait honneur à notre territoire en donnant un sens à son histoire – de Monsieur de Malesherbes, directeur de la Librairie du Roi, à la cité malesherboise où le livre continue à être roi.L’Atelier-Musée de l’Imprimerie est un outil de développement culturel et touristique qui participera à renforcer l’attractivité, la notoriété, l’identité et l’image du territoire.

Vivement septembre !

2 mai 2018. Jean-Marc Providence.

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